lundi, juillet 11, 2011

Fleur de songe, au fond du clair-obscur.

Bon début de semaine mes Amies. Les premiers chardons bleus, je trouve qu'ils sont en avance cette année. C'est le début, ils commencent juste à bleuir. C'est ma fleur préférée. Sur la photo, des petits escargots parasites qui essaient de trouver un peu d'humidité par ces chaleurs de juillet.
Ivano

Je cherche des poésies au sujet des chardons bleus et je tombe sur des textes quasi mystiques. Serait-ce donc une des symboliques de cette fleur, si bien perçue par nos poètes?


Jean LORRAIN (1855-1906)

D'après un Jacquemain

C'était un grand bois calme aux troncs baignés d'azur.
Une tête d'angoisse aux yeux d'illuminée
Flambants et bleus, pensive et de pleurs ravinée,
S'y dressait, fleur de songe, au fond du clair-obscur.

Tête de sainte errante ou de suppliciée ...
Une énorme couronne au bois piquant et dur,
La couronne du Christ étreignait ce front pur
Et doux, striait de sang la face extasiée.

Et tandis que les yeux allumés de ferveur
Défaillaient et brûlaient, à la fois fous et vides,
Entre ses pauvres mains de bleus chardons rigides

S'écrasaient sur sa robe à la place du coeur.
Oh ! ces yeux suppliants, enivrés et livides,
De femme au front saignant d'épines, ô Douleur !
 

Théodore Agrippa d' AUBIGNÉ (1552-1630)

Ô divine Inconstance, aie pitié de moi
Guéris en me blessant ma plaie et mon émoi,
Pardonne le dépit de mon âme pressée,
Pardonne-lui les maux qu'au premier offensée,
Elle a vomi sur toi frénétique en courroux.
Change sa volonté, ton nom lui sera doux,
Et comme j'ai tourné le médire en louange,
Fais qu'un coeur amoureux à n'aimer plus se change.
Je te ferai rouler un autel d'un ballon,
J'immolerai dessus des feuilles qu'Aquilon
Ton père nous fait choir au pluvieux automne,
Je t'offrirai de l'air d'une cloche qui sonne,
Et le coq qui virait sur le haut du clocher,
Dansant de cent façons ; je courrai te chercher
De l'eau et du savon, et ferai à merveilles
D'une paille fendue envoler des bouteilles ;
J'offrirai du duvet, plumes, fleurs et chardons,
Et de l'eau de la mer et des petits glaçons,
Un caméléon tout vif, et au lieu de paroles,
Je dirai sans propos cent mille fariboles,
Et sacrant tout cela à ton nom immortel
Je brûlerai encor et le temple et l'autel [...]

Voir sans l'interroger s'écouler son destin,
Accepter les chardons s'il en pousse en chemin,
Croire que le fatal a décidé la pente
Et faire simplement son devoir d'eau courante.
Ah ! vivre ainsi, donner seulement ce qu'on a,
Repousser le rayon que l'orgueil butina,
N'avoir que robe en lin et chapelet de feuilles,
Mais jouir en son plein de la figue qu'on cueille,
Avoir comme une nonne un sentiment d'oiseau,
Croire que tout est bon parce que tout est beau,
Semer l'hysope franche et n'aimer que sa joie
Parmi l'agneau de laine et la chèvre de soie.

Cécile SAUVAGE (1883-1927)